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La petite fille qui ne sourit pas

schart28

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La Presse: http://www.cyberpresse.ca/article/20061217/CPOPINIONS/612170580/5034/CPOPINIONS

Zaïnab a perdu ses deux parents dans un bombardement lorsque les troupes américaines et leurs alliés britanniques ont attaqué l'Afghanistan, en automne 2001.

Ne sachant que faire de l'orpheline, un oncle l'a envoyée au Pakistan où elle devait travailler dans la construction pour gagner sa vie. Un miracle lui a permis de rentrer à Kaboul où elle a pu trouver refuge dans un orphelinat.

Elle y vit aujourd'hui une vie de misère. Mais aussi d'espoir. Depuis quelque temps, un organisme caritatif polonais y dispense des cours d'anglais et d'informatique. Les enfants doivent se lever tôt, car les cours débutent à 6 h N'empêche : les classes sont pleines.

Zaïnab, qui a aujourd'hui 13 ans, ne se fait pas prier pour se réveiller le matin, elle non plus. C'est une adolescente sérieuse, qui ne sourit jamais. Et qui travaille fort pour réaliser son rêve : devenir professeure d'informatique.

C'est Janina Ochojska, présidente et fondatrice d'Action humanitaire polonaise, qui finance les cours donnés aux petits orphelins de Kaboul, qui m'a parlé de Zaïnab. De passage à Montréal cette semaine, Mme Ochojska évoque l'Afghanistan avec des prénoms, des noms et des histoires de vie.

Il y a ce professeur d'arts plastiques qui risquait sa vie, sous les talibans, en faisant dessiner des personnages à ses élèves : des vigiles devaient se tenir à la fenêtre et alerter la classe en cas de danger. Aujourd'hui ses étudiants dessinent librement ce qu'ils veulent.

Il y a aussi cet autre prof qui n'avait, pour seul matériel, que des notes de cours qu'il avait lui-même prises il y a des années de cela, quand il se trouvait lui-même sur les bancs d'école. Ce musicien qui a perdu sa guitare, jetée dans le feu par les talibans. Et qui aujourd'hui donne des cours de musique aux jeunes Afghans.

En plus de son action dans deux orphelinats de Kaboul, Action humanitaire polonaise a mis sur pied une école artistique dans la capitale, construit une autre école dans la province de Kapisa, au nord-est de Kaboul.

Bien sûr, convient Mme Ochojska, la tradition pèse lourd en Afghanistan. La vaste majorité des filles sont gardées à la maison et ne peuvent profiter de tous ces beaux projets. Mais quand elles le peuvent, elles se jettent sur l'instruction avec la rage des affamés. Elles triment fort avec l'espoir de devenir ingénieures, enseignantes, médecins

Sans se faire d'illusions, Mme Ochojska espère qu'à force de voir des jeunes femmes acquérir de l'autonomie en gagnant leur vie, la société afghane changera peu à peu.

Les Afghans veulent-ils vraiment s'instruire, progresser et vivre dans un pays moderne? Pas tous bien sûr, constate cette femme sur le terrain. Mais en même temps, il y en a beaucoup, trop pour les ressources qui existent aujourd'hui. Et ce sont ces Afghans-là qui formeront les enfants de demain

Cette femme qui a gagné de nombreux prix d'action humanitaire croit beaucoup à la force de l'exemple. Mais pour cela, il faut du temps. Du temps pour les jeunes femmes de terminer leurs études. Acquérir des compétences. Et en inspirer d'autres à faire comme elles.

Mais justement : ces Afghanes-là auront-elles assez de temps pour gagner le pari du progrès? La situation se dégrade abruptement en Afghanistan. Dans les provinces du sud et de l'est, l'insurrection pose un " risque réel à l'État et à la stabilité régionale ", constate un récent rapport de l'International Crisis Group. En d'autres mots : l'Afghanistan pourrait facilement se transformer en un nouvel Irak.

À Kandahar, où sont stationnés les contingents canadiens, la violence a atteint un niveau tel qu'il est devenu presque impossible d'y maintenir le moindre projet de développement. Forcément, la question se pose : est-ce vraiment utile de rester là et d'exposer la vie des soldats?

Cette question risque de revenir sur la table au fil des semaines et mois qui viennent. Et elle a de bonnes chances de se trouver au cur de la prochaine campagne électorale fédérale.

Janina Ochojska n'est pas une stratège militaire et s'avoue incapable de trancher ce dilemme. Mais elle est convaincue d'une chose : si les troupes de l'OTAN se retirent de l'Afghanistan, les talibans reviendront rapidement au pouvoir.

Les livres, les guitares et les dessins reprendront une nouvelle fois le chemin des bûchers. Quant à Oussama ben Laden, que George W. Bush voulait déloger au lendemain du 11 septembre 2001, il pourra s'abriter de nouveau sous l'aile protectrice de ses amis les talibans

Ainsi, Zaïnab aura perdu ses parents pour rien.


 
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