La conception même de la prison d'Abou Ghraib a conduit les militaires américains à brutaliser et humilier les détenus, a estimé jeudi un éminent chercheur américain,
en montrant des photos des sévices commis dans le centre de détention irakien et révélés en 2004. Philip Zimbardo, professeur en psychologie sociale à l'Université de Stanford
(Californie), a montré des images choquantes des abus en parlant d'un «effet Lucifer» qui a selon lui doté des gardiens ordinaires de comportements diaboliques.
«Si vous donnez à certaines personnes un pouvoir sans supervision, c'est la formule pour tous les abus», a déclaré le Pr Zimbardo lors d'une conférence scientifique à Monterey
(Californie). «Les abus à Abou Ghraib ont duré trois mois (...) Qui surveillait la boutique? personne, et c'était volontaire», a-t-il accusé.
Zimbardo, 75 ans, est connu pour avoir mené des recherches sur l'incarcération en 1971, au cours desquelles des étudiants en vacances d'été jouaient le rôle de gardiens et
de détenus dans une prison reconstituée dans le sous-sol d'un bâtiment du campus universitaire de Stanford. Les prétendus gardiens étaient devenus si sadiques et les faux
détenus si effrayés que l'expérience avait été interrompue prématurément.
Le chercheur a comparé son étude avec les sévices infligés à des suspects de terrorisme par des militaires à Abou Ghraib, révélés par la publication de photos sur lesquels
on voyait notamment des détenus nus, empilés sur le carrelage de la prison. «J'ai été choqué quand j'ai vu ces photos mais je n'étais pas surpris», a commenté le Pr Zimbardo,
expliquant comment l'environnement peut transformer les gens en héros ou en démons.
Ce psychologue avait eu accès à des photos et documents en tant que membre de l'équipe de défense d'un soldat poursuivi dans le cadre du scandale.
