• Thanks for stopping by. Logging in to a registered account will remove all generic ads. Please reach out with any questions or concerns.

«Brain drain» - La Presse

Yrys

Army.ca Veteran
Reaction score
11
Points
430
Voici des gens qui seraient des citoyens québécois idéaux

Voici des gens qui seraient des citoyens québécois idéaux: ils sont jeunes, instruits, avec un doctorat dans la poche; ils connaissent bien le français;
mieux encore, ils connaissent bien la culture québécoise - en fait, c'est la leur.


Avec ces gens dont je parle, il n'y aurait pas de choc des valeurs, pas de coutumes vestimentaires propres à donner de l'urticaire aux Hérouxvillois, pas de religion
exotique et difficile à comprendre, et nul besoin de cours d'intégration. Mais qu'attend-on pour les faire venir? direz-vous. Réponse: c'est trop tard, ils étaient ici,
mais ils sont repartis

Une étude au colloque organisé ce week-end par des organisations de la communauté anglo-québécoise et des spécialistes des études ethniques illustre ce «brain drain»
discret mais ravageur: trois anglophones détenteurs d'un doctorat sur quatre quittent le Québec pour s'installer à Toronto ou ailleurs, en Amérique ou dans le monde.
Ceux qui partent sont jeunes, bardés de diplômes. Et bilingues: 70% d'entre eux maîtrisent le français.

Chaque année, le Québec perd en moyenne 8000 citoyens anglophones. De 1996 à 2001, la province a perdu 25000 diplômés anglo-québécois - l'équivalent de
la main-d'oeuvre professionnelle d'une ville comme Sherbrooke! Ces données, auxquelles Le Devoir a fait écho dans son numéro d'hier, proviennent d'une enquête
intitulée Those Who Left and Those Who Stayed, réalisée par William Floch, de Patrimoine Canada, et Joanne Pocock, de l'Université Carleton. Paradoxe: ces citoyens
que le Québec laisse partir sans lever le petit doigt sont remplacés par des immigrants généralement beaucoup moins instruits, et qui au départ ne connaissent
ni la langue ni la société d'accueil.

Comme l'écrit le journaliste Stéphane Baillargeon, «d'un côté le Québec perd des citoyens modèles, nés ici, intégrés à leur société, des professionnels parlant
la langue de la majorité. De l'autre côté, l'État francophone cherche désespérément à attirer des travailleurs étrangers et (ceux qu'il reçoit) sont souvent moins
éduqués et ne maîtrisent pas toujours les codes sociaux et linguistiques La société québécoise serait-elle devenue un grand récipient qu'on remplit de peine et
de misère à mesure qu'il se vide de sa crème?»

L'exode, amorcé en trombe sous le choc de l'élection du PQ en 1976, se poursuit aujourd'hui à un rythme plus calme mais régulier, sous l'oeil indifférent d'une
population qui en veut encore aux «Anglais» et d'un gouvernement qui fait tout pour ne pas être associé aux «Anglais». Et tant pis si ces «Anglais» sont bilingues,
et tant pis si leur départ représente une énorme perte économique et culturelle

Précisons tout de suite que ce ne sont pas des facteurs politiques qui expliquent l'exode actuel. Ces diplômés quittent le Québec parce qu'ils vont là où se trouvent
les meilleurs emplois. Ils sont instruits, ils sont de langue maternelle anglaise, ils peuvent aller n'importe où en Amérique, et presque n'importe où dans le monde.
Pour eux, le déracinement n'a pas les mêmes répercussions que pour une famille francophone, qui en s'exilant perdrait sa langue et sa culture.

C'est donc essentiellement la stagnation économique de Montréal qui cause les départs (encore qu'on ne sache trop s'il s'agit de la poule ou de l'oeuf, les premières
vagues de départs ayant accentué le déclin économique de Montréal). Cela dit, des chercheurs comme Richard Y. Bourhis, du département de psychologie de l'UQAM,
croient voir une autre explication. Les Anglo-Québécois, dit-il, se sentiraient victimes de discrimination à cause de leur langue ou de leur accent.

Je trouve le mot «discrimination» bien fort. Il faudrait plutôt parler de malaise, un malaise renforcé par l'apparition récurrente de «crises» linguistiques souvent fabriquées
de toutes pièces. Même si la «menace séparatiste» s'est éloignée, les anglophones ne peuvent se sentir bienvenus dans une société où un grand parti politique se promet
de retirer des droits civiques aux citoyens qui ne seraient pas assez francisés, où une Commission d'enquête donne le micro à des racistes de tout acabit, où resurgissent
régulièrement des manchettes alarmistes sur l' «anglicisation du Québec», où la rhétorique antianglaise est politiquement correcte, et où les pitreries d'un Victor-Lévy Beaulieu sont prises au sérieux.
 
Back
Top